Amour et temporalité
Masculin et inconséquence
Loin de moi, l’idée de prétendre que toutes les femmes se ressemblent et que tous les hommes réagissent de semblable manière. Le best-seller “Les hommes viennent de Mars, les femmes viennent de Vénus” de John Gray (paru en 1992) met cependant en avant une sensibilité particulière et des comportements, différents chez les individus des communautés, féminine et masculine. Certaines de ces différences sont indéniablement culturelles et l’indélébile empreinte d’un patriarcat arbitraire, mais d’autres sont la marque de la férule de notre espèce sur nos comportements, à travers les algorithmes qui gouvernent nos émotions et nos pulsions.
Au nombre de ces différences, il semble que la temporalité de l’amour soit perçue et ressentie différemment, par les deux sexes.
Chez l’homme, l’attirance est souvent ressentie de manière instinctive, et irréfléchie, dans l’ici et maintenant (cerveau droit) sans que les premières rencontres donnent lieu à des projections ou des spéculations (cerveau gauche) chez le sujet mâle. De même manière lorsque l’homme fait l’amour, il est généralement engagé dans cette activité de manière instinctive, quasi animale et en pleine conscience (cerveau droit).
L’une de mes superviseuses décrivait naguère le comportement masculin comme essentiellement “inconséquent”… Et l’inconséquence masculine, comme une caractéristique essentielle de l’homme. Pour elle, c’est ainsi que de nombreux hommes fécondent des femmes sans se soucier du lendemain (ou simplement se plaisent à allumer une flamme au cœur de femmes, dont ils n’ont en réalité que faire, par simple instinct de conquête) ; Ce qui – soit dit en passant – me semble confirmer l’existence d’algorithmes, que les espèces placeraient au sein de l’appareil cognitif des individus de sexe masculin pour assurer leur multiplication.
Chez la femme, au contraire, l’attirance est certes également ressentie de manière instinctive, mais très vite la femme envisage la relation dans le “temps long” et le projet (cerveau gauche) et fait des aller-retour mentaux entre son excitation de l’instant (cerveau droit) et son instinct de survie qui l’incite à choisir un partenaire capable de l’accompagner et d’accompagner l’éventuelle progéniture à naître de l’union, là aussi sur le diktat des lois de l’espèce, car l’enfant d’Homme est le plus démuni de tous les rejetons d’animaux, puisqu’il ne peut pas vivre nu ni sans soins dans les premières, années de sa vie.
On pourrait ainsi dire de manière brutale, mais probablement réaliste, que la loi de toutes les espèces, c’est que les algorithmes qu’elles placent en nous, nous incitent à croître et multiplier, et pour ce faire qu’un maximum de mâles fécondent un maximum de femelles et que leur progéniture parvienne à maturité.
Curieusement, ce formatage différent chez les hommes et les femmes – qu’il soit naturel ou culturel – est le même chez les personnes qui ne sont pas en âge de procréer ou qui ne sont pas dans l’intention de procréer.
Amour et “mariation“
De l’amour, à l’amitié, on trouve une grande palette de sentiments, parmi lesquels, l’amitié amoureuse ou l’amour fraternel…
Pour Erich Fromm, dans l’Art d’Aimer, l’amour fraternel est le creuset ou le socle de tout amour véritable. Cet amour véritable se fonde sur le respect de l’autre (de ses blessures, de ses croyances, de ses valeurs, de ses besoins émotionnels) et sur une amitié sincère, bienveillante et sans calcul. La passion n’étant qu’une phase, souvent éphémère, de la construction de cet amour.
Or le principal malentendu de l’amour entre femme et homme, c’est que l’homme a le plus souvent besoin d’être apprivoisé dans la durée, avant d’envisager une quelconque vie commune. Or, ce qui peut égarer sa partenaire, c’est qu’il n’en est pas moins démonstratif et d’apparence amoureuse puisqu’il est prêt à tout pour faire briller ses yeux, la séduire… et la féconder.
Si la femme le sait et garde le désir de faire un bout de chemin avec lui, il lui faudra comprendre qu’elle ne pourra y parvenir qu’en laissant se développer avec son partenaire une camaraderie légère et sans prise de tête, d’abord. Si la relation résiste, elle pourra ensuite espérer voir s’installer une bienveillance inconditionnelle et une amitié plus profonde, avant toute idée d’engagement dans la durée. En effet – dans le cœur de l’homme – l’amitié est une phase essentielle avant la naissance d’un véritable sentiment d’amour et d’attachement ; ce que la femme n’imagine pas toujours ainsi, puisqu’elle fonctionne souvent à l’inverse.
La femme, est en effet, fréquemment capable de plaquer un amour passionné sur un homme qu’elle ne connaît pas encore véritablement, au seul motif qu’il ‘’coche’’ plusieurs cases importantes des qualités de l’archétype idéal recherché.
Le Dr. Reynaldo Perrone nomme ce processus d’apprivoisement, puis d’attachement amoureux : la “mariation”. Il relève ou complète mes remarques ci-dessus concernant la différence de temporalité, dans l’amour, entre les femmes et les hommes.
Pour le Dr. Reynaldo Perrone, la “mariation” correspond parfois (chez la femme en particulier) à l’acte formel du mariage qui a pour date la signature des registres de l’État civil, alors que chez l’homme ce processus est souvent beaucoup lent plus lent, peut même prendre des années et parfois ne jamais complétement se finaliser.
De nombreux malentendus émaillent ainsi la vie des couples.
Et hommes et femmes ressentent comme une véritable trahison, la découverte de ce malentendu, sans pour autant comprendre que sa raison réside dans le différend rythmé du processus d’attachement chez son ou sa partenaire.